La récente grève d’Air Canada, qui a plongé le réseau aérien dans le chaos, est le reflet des politiques du gouvernement libéral. Ce conflit, touchant des centaines de milliers de voyageurs, met en lumière les conséquences inattendues d’une législation qui a renforcé le pouvoir des syndicats. Une analyse des racines de cette crise s’impose.
⚡ Pas assez de temps ? Un résumé vite fait !
- ✈️ Les politiques pro-syndicales du gouvernement libéral ont indirectement amplifié l’impact des grèves.
- 🚫 L’interdiction des travailleurs de remplacement a donné un pouvoir accru aux syndicats, comme l’a démontré le CUPE.
- 🔁 Le gouvernement se retrouve dans un « cercle vicieux » d’interventionnisme pour corriger des problèmes qu’il a contribués à créer.
- 💡 La solution réside dans une plus grande concurrence sur le marché aérien, réduisant ainsi les perturbations pour les consommateurs.
La genèse d’une crise : les politiques libérales
Depuis des années, les Libéraux ont œuvré pour accroître le pouvoir des syndicats canadiens. Cette démarche a eu des répercussions inattendues, notamment avec la grève des agents de bord d’Air Canada. Le syndicat canadien de la fonction publique (CUPE), représentant plus de 10 000 employés d’Air Canada, a choisi le moment idéal. La grève a éclaté en plein cœur de la saison estivale, affectant environ 500 000 voyageurs.
Grâce à une législation adoptée l’an dernier, l’utilisation de travailleurs de remplacement est interdite dans les industries réglementées au niveau fédéral. Le transport aérien en fait partie. Le syndicat savait donc que la compagnie aérienne aurait peu de recours. La ministre de l’Emploi, Patty Hajdu, a ordonné à la Commission des relations de travail et de l’emploi du Canada (CRTE) de forcer un retour au travail. Le président national du CUPE, Mark Hancock, a toutefois rejeté cette injonction, promettant de la contester. Ce bras de fer illustre la complexité de la situation.
Un dilemme pour le gouvernement
Le gouvernement libéral se trouve aujourd’hui face à un véritable dilemme. Ses politiques interventionnistes et pro-syndicales ont eu un effet pervers. Elles ont en effet réduit l’incitation des syndicats à trouver des accords à la table de négociation. Ottawa est alors contraint d’intervenir pour atténuer les maux de tête politiques. Ces perturbations surviennent dans des marchés dominés par un petit nombre de grands acteurs.
Les politiques interventionnistes et pro-syndicales du gouvernement ont réduit l’incitation des syndicats à négocier, forçant Ottawa à intervenir pour gérer les perturbations majeures.
Il s’agit là d’un cas classique où des politiques de « grand gouvernement » tentent de résoudre des problèmes créés par d’autres mesures interventionnistes. Cependant, cette situation offre aussi une opportunité. Le gouvernement pourrait adopter des réformes. Ces réformes attireraient l’investissement étranger et rendraient le pays plus compétitif. Elles pourraient également réduire les prix pour les consommateurs.
Concentration du marché et barrières à la concurrence
Des améliorations notables ont été observées ces dernières années. Selon l’organisme de surveillance de la concurrence, la concentration du marché a diminué de 10 % entre 2019 et 2023. Cette évolution est attribuée à l’arrivée de compagnies comme Porter et Flair. Toutefois, Air Canada et WestJet conservent une part de marché dominante. Elles représentent encore entre 56 et 78 % de tout le trafic passagers intérieur. Cette situation est la conséquence directe des politiques gouvernementales. Ces politiques favorisent les transporteurs établis et limitent la concurrence.
Coûts et taxes élevés
L’une des principales barrières pour les nouvelles compagnies aériennes réside dans les coûts élevés. Selon le Bureau de la concurrence, les taxes et frais gouvernementaux ajoutés aux billets sont un obstacle majeur. Certains de ces frais sont logiques, assurant le financement du réseau de transport aérien. D’autres, comme les taxes sur le carburant et les frais d’aéroport, sont simplement considérés par Ottawa comme une vache à lait.
Selon le MEI, les aéroports ont versé près de 500 millions de dollars en frais de location à Ottawa l’an dernier, une augmentation de 68 % depuis 2014.
En moyenne, les frais d’amélioration aéroportuaire au Canada sont quatre fois plus élevés qu’aux États-Unis. Les frais de sécurité aéroportuaire et les taxes sur le carburant sont aussi bien supérieurs au Canada. C’est le cas par rapport à des pays comparables, comme les États-Unis et l’Australie. Ces coûts rendent la compétition plus difficile pour les transporteurs à bas prix. Les taxes et frais représentent 30 % du prix du billet pour les grands transporteurs. Pour les compagnies à très bas coûts, cette part est encore plus élevée, réduisant leur rentabilité.
Restrictions aéroportuaires et propriété étrangère
Les nouvelles compagnies sont également limitées par les procédures aéroportuaires. Celles-ci favorisent souvent les opérateurs historiques. Des aéroports secondaires dans les grandes villes pourraient offrir plus d’options. Cependant, ils sont souvent entravés par la taille de leurs pistes. Des restrictions légales limitent aussi le nombre d’aéroports internationaux dans certaines régions. L’aéroport Billy Bishop de Toronto en est un bon exemple. Il est souvent plus économique et pratique que l’aéroport Pearson. Mais en 2015, les Libéraux ont bloqué les plans d’extension de sa piste, l’empêchant d’accueillir des vols long-courriers.
Les plus grands freins à la concurrence aérienne restent les restrictions gouvernementales sur la propriété étrangère. Il y a aussi l’interdiction pour les transporteurs étrangers de desservir des routes intérieures. En 2018, Ottawa a augmenté la part des compagnies canadiennes que les étrangers peuvent posséder. Le Bureau de la concurrence estime toutefois que cette mesure n’est pas allée assez loin. Il recommande de modifier les règles pour permettre à un investisseur étranger unique de détenir jusqu’à 49 % d’un transporteur canadien. Il suggère aussi de créer une nouvelle catégorie de compagnie aérienne. Celle-ci ne desservirait que des routes intérieures, mais pourrait être entièrement détenue par des non-Canadiens.
L’exemple européen et la voie à suivre
Cette idée a été mise en œuvre dans l’Union européenne dans les années 1990, avec un succès spectaculaire. Elle a conduit à une augmentation de 120 % des vols au sein de l’UE. Le nombre de routes desservies par au moins deux compagnies a augmenté de 400 % entre 1992 et 2008. Ces chiffres proviennent des données de la Commission européenne. Si une approche similaire avait été adoptée ici, les transporteurs étrangers pourraient déjà rediriger leurs appareils. Ils combleraient ainsi le vide laissé par la grève d’Air Canada.
Pendant des décennies, Ottawa a maintenu des politiques protectionnistes. Ces politiques ne servent que les intérêts des deux plus grands transporteurs canadiens. Le moment est venu d’instituer des réformes de fond. La grève d’Air Canada, et le chaos qu’elle a engendré, ne montrent pas la nécessité d’une nouvelle intervention gouvernementale. Au contraire, elle indique une concentration excessive de l’industrie aérienne. Le Premier ministre Mark Carney devrait suivre les conseils de son propre Bureau de la concurrence. Il est temps d’agir concrètement.
