Le parc national des Îles-de-Boucherville, véritable écrin de verdure aux portes de Montréal, est le théâtre d’une querelle persistante. Écologistes et agriculteurs s’y disputent l’avenir de ce territoire. La cohabitation de la conservation et de la production agricole soulève de vives questions.
⚡ Pas assez de temps ? Un résumé vite fait !
- 🌳 Les écologistes souhaitent la fin de l’agriculture pour la restauration forestière des îles de Boucherville, acquises il y a 41 ans pour devenir un parc national.
- 🚜 Des agriculteurs, soutenus par le maire de Boucherville, défendent une agriculture durable, bien que la production de maïs soit à l’arrêt et celle de soya affectée par les chevreuils.
- 📜 Des baux agricoles, initialement prévus pour prendre fin en 2016, ont été prolongés jusqu’en 2033, malgré les critiques sur leur impact environnemental.
- ⛳ La présence d’un terrain de golf de 18 trous, dont le bail court jusqu’en 2046, ajoute aux préoccupations écologiques du parc.
Un héritage agricole contesté au cœur du parc
Situé à seulement 20 minutes du centre-ville de Montréal, le parc national des Îles-de-Boucherville devait initialement se transformer en une aire protégée. Pourtant, 41 ans après son acquisition par le gouvernement, une grande partie de ses terres reste dédiée à l’agriculture. Cette situation choque de nombreux défenseurs de l’environnement.
Le botaniste Jacques Brisson, professeur de biologie à la retraite, exprime son désaccord. Il estime qu’une telle surface agricole n’est pas cohérente avec l’objectif de retour de la forêt. Il ajoute avec fermeté que « L’agriculture à cet endroit, on n’en veut plus. »
Une agriculture durable, mais menacée
Face aux écologistes, menés notamment par Alain Branchaud de la Société pour la nature et les parcs (SNAP), se trouvent les agriculteurs. Pierre-Paul Van Velzen, dont la famille cultive ces terres depuis trois générations, défend leurs pratiques. Il assure pratiquer une « agriculture durable » avec un usage minimal de pesticides. Le maire de Boucherville, Jean Martel, soutient aussi fermement l’activité agricole. Il met en avant le « maïs deux couleurs », un produit du patrimoine local.
Terres agricoles : entre tradition et réalité économique
Malgré les affirmations, la réalité agricole sur les îles est plus complexe. Pierre-Paul Van Velzen a confirmé qu’il n’y a plus un seul épi de maïs cultivé sur l’île de la Commune ou l’île Grosbois. La récolte de soya de l’an dernier a été nulle. « Perte totale. Il y a trop de chevreuils« , a-t-il déclaré, ayant dû recourir à l’assurance-récolte. Le fameux « maïs des îles » n’a pas été récolté depuis plusieurs années.
« Perte totale. Il y a trop de chevreuils. »
L’accord initial prévoyait que l’agriculture continuerait jusqu’à la retraite des exploitants. Cependant, le départ de Louis Savaria et son fils Robert en 2020 a changé la donne. Leurs 51 hectares ont été transférés à la ferme Van Velzen et Fils, doublant ainsi sa superficie. Le ministère de l’Environnement a reconduit les baux agricoles jusqu’en 2033, alors qu’ils devaient prendre fin en 2016. Des consultations sont en cours concernant l’avenir de ces parcelles.
La biodiversité menacée et la lente régénération forestière
Les écologistes insistent sur le potentiel écologique de l’archipel. Le parc abrite environ 240 espèces d’oiseaux et 450 espèces végétales, certaines étant en péril. Plusieurs espèces de reptiles et d’amphibiens y vivent également. Pour le botaniste Jacques Brisson, la forêt ne repoussera pas seule. « La régénération naturelle prendrait un siècle, un siècle et demi, » explique-t-il. Il est donc impératif, selon lui, de mettre fin à l’agriculture pour reboiser.
« La régénération naturelle prendrait un siècle, un siècle et demi. Si on veut revoir une forêt, il faut planter des arbres et donc mettre fin à l’agriculture. »
Le golf, un intrus dans un milieu protégé ?
Outre l’agriculture, la présence d’un golf de 18 trous au sein du parc national soulève également des questions. Le ministère de l’Environnement a signé un bail avec les propriétaires du Golf des Îles, valide jusqu’en 2046. Ce golf occupe de vastes espaces gazonnés, utilise des pesticides et consomme une grande quantité d’eau pour son entretien.
Bien que certains golfs adoptent des pratiques plus écologiques, Jonathan Tremblay, co-porte-parole de la Coalition terrains de golf en transition, estime qu’une « intégration écologique » est essentielle. Il souligne que des modèles ailleurs dans le monde prouvent qu’une transition vers des usages plus respectueux est possible et souhaitable. Convertir de grands espaces verts en aires protégées est un défi. Les terrains de golf représentent des cibles idéales, d’autant plus que la pratique de ce sport est en déclin au Québec. Le directeur général du Golf des îles de Boucherville, Éric Turcotte, n’a pas souhaité commenter la situation.
