L’industrie du tatouage au Canada traverse une période de turbulences sans précédent. Entre une clientèle en baisse et une concurrence acharnée, souvent déloyale, de nombreux salons voient leurs revenus chuter. Des artistes établis peinent à joindre les deux bouts, forçant certains à quitter la profession ou à cumuler les emplois.
⚡ Pas assez de temps ? Un résumé vite fait !
- 📉 L’industrie du tatouage subit une baisse significative de sa clientèle, due en partie à l’inflation et au statut de « luxe » du tatouage.
- 🚫 De nombreux salons établis ont dû fermer leurs portes, notamment à Montréal, face à la saturation du marché.
- ⚖️ Une concurrence déloyale émerge des tatoueurs amateurs à domicile, qui proposent des prix très bas sans toujours garantir la qualité ou l’hygiène.
- 🗣️ Des professionnels demandent une meilleure régulation du secteur, y compris la création d’un ordre professionnel, pour encadrer cette pratique.
Des artistes et des salons en difficulté
La situation est critique pour de nombreux tatoueurs. Pierre-Olivier Blaquière, un artiste expérimenté de Longueuil et Montréal, témoigne de revenus parfois inférieurs au salaire minimum. Après onze ans dans le métier, il a dû chercher un emploi à temps partiel pour subsister. Ce cas n’est pas isolé. Guillaume Harvey, du salon Citron Rose, confirme que de plus en plus de tatoueurs québécois sont contraints de cumuler les emplois ou d’abandonner leur art. À Québec, Tommy Renaud de Paradoxe Tatouage observe aussi une nette diminution des rendez-vous. Les listes d’attente qui duraient autrefois un an sont désormais réduites à quelques semaines. La fréquentation des salons a grandement diminué.
Cette crise se traduit par des fermetures en série. Montréal a vu plusieurs studios renommés baisser le rideau. Parmi eux, Bodkin Tattoo, Tattoo Lounge, Tatouage DFA et le Studio Plurielles. Dominique Bodkin, qui a fermé son studio de la rue Bernard, a même repris ses études. Selon Guillaume Harvey, cette situation s’explique par une saturation du marché. « Il y a clairement trop de tatoueurs », déclare-t-il. Pierre-Olivier Blaquière partage cet avis, estimant que le marché a « vraiment explosé ».
« Je m’ennuie d’être dans l’atelier à créer, à dessiner des trucs, mais il faut survivre. Je n’ai pas le choix. »
– Pierre-Olivier Blaquière, tatoueur expérimenté.
L’impact des coûts et de l’inflation
Les contraintes économiques pèsent lourdement sur les professionnels. Jazz Mahoon, propriétaire de Prana Tattoo sur la rue Sainte-Catherine, a vu les recettes de son studio chuter de 30 % en un an. Il déplore la difficulté de gérer une entreprise avec des taxes et des loyers en constante augmentation. Dans ce contexte, le tatouage, souvent perçu comme un luxe, est l’une des premières dépenses à être coupée par les consommateurs. La hausse du coût de la vie réduit le pouvoir d’achat discrétionnaire des clients. Les tatoueurs interviewés refusent de baisser leurs tarifs, qu’ils jugent déjà raisonnables. La qualité du travail et l’investissement personnel justifient ces prix.
La montée de la concurrence déloyale
Un autre problème majeur est la concurrence des tatoueurs amateurs travaillant à domicile. Ces individus proposent des services à une fraction du prix des salons établis. Guillaume Harvey met en lumière la facilité d’accès à l’équipement. Des machines et des formations sont disponibles pour des sommes modiques sur internet. « On trouve maintenant sur Amazon des équipements pas chers et des formations en ligne à 100$ », s’indigne-t-il. Il souligne cependant que la qualité et la sécurité sont souvent absentes.
Cette situation soulève un débat houleux. Simon Ouellet, un peintre professionnel qui a débuté dans le tatouage il y a deux ans, conteste l’idée de « verrouiller » le milieu. Il estime que l’on ne devrait pas empêcher les nouveaux venus de se lancer. Cependant, les professionnels souhaitent une meilleure encadrement de la pratique. L’idée d’un ordre professionnel pour réglementer le métier est de plus en plus évoquée. Cela permettrait d’assurer des standards de sécurité et d’hygiène, protégeant ainsi les clients et l’intégrité de l’art.
« Le tatouage, c’est un achat de luxe. »
– Jazz Mahoon, propriétaire du studio Prana Tattoo.
