Alors que le monde se prépare à commémorer les 80 ans du drame d’Hiroshima, une sombre réalité persiste pour les survivants coréens. Leur calvaire ne s’est pas limité à l’horreur atomique; il s’est transformé en une double peine, mêlant les séquelles des radiations à une stigmatisation sociale profonde et durable.
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- ➡️ Les victimes coréennes d’Hiroshima ont subi une stigmatisation sociale intense, les poussant souvent à cacher leur statut de survivant.
- ➡️ Environ 50 000 Coréens étaient présents à Hiroshima lors du bombardement, dont beaucoup étaient des ouvriers forcés, rendant leur identification difficile.
- ➡️ Au Japon, les survivants coréens ont fait face à une double discrimination, à la fois comme victimes de la bombe et comme Coréens.
- ➡️ La Corée du Sud offre une aide limitée aux survivants, mais leurs descendants, souvent atteints de maladies congénitales, manquent encore de soutien.
Une mémoire oubliée, des vies dissimulées
Pour des survivantes comme Bae Kyung-mi, âgée de cinq ans au moment du bombardement, la tragédie du 6 août 1945 marque le début d’une vie de secrets. Elle se souvient encore d’avoir entendu les avions, puis d’avoir été ensevelie sous les décombres. Les radiations l’ont contrainte à une ablation des ovaires et d’un sein, en raison d’un risque accru de cancer. Pourtant, cette souffrance physique s’est accompagnée d’une peine invisible, celle de la stigmatisation.
Des 740 000 personnes tuées ou blessées à Hiroshima et Nagasaki, plus de 10 % étaient coréennes. Nombre d’entre elles ont caché leur statut, craignant le jugement social. Madame Bae n’a jamais révélé son vécu à son mari, ni à ses fils, avant de s’inscrire dans un centre d’aide pour victimes.
« Je n’ai jamais dit à mon mari que j’étais à Hiroshima et que j’avais été victime du bombardement », confie madame Bae. « À l’époque, les gens disaient souvent que vous aviez épousé la mauvaise personne si elle avait survécu à un bombardement atomique. »
La stigmatisation persistante
Même après être retournés dans leur pays nouvellement indépendant, des dizaines de milliers de survivants coréens ont été confrontés à une stigmatisation persistante. Des rumeurs infondées circulaient, laissant entendre que l’exposition aux radiations pouvait être contagieuse. Kim Hwa-ja, quatre ans en 1945, se souvient avoir fui Hiroshima dans une charrette à chevaux, le ciel empli de fumée.
Le nombre exact de Coréens présents à Hiroshima reste flou, mais des organisations estiment qu’ils étaient jusqu’à 50 000, dont des dizaines de milliers travaillaient comme ouvriers forcés sur les sites militaires. Les documents sont peu précis en raison de la dévastation de la ville et de la politique coloniale japonaise qui interdisait l’utilisation des noms coréens, compliquant les recherches.
« À l’époque, des rumeurs infondées circulaient selon lesquelles l’exposition aux radiations pouvait être contagieuse », explique Jeong Soo-won, directeur du Centre des victimes de la bombe atomique à Hapcheon.
Double discrimination au japon et reconnaissance tardive
Les rescapés coréens qui sont restés au Japon ont dû endurer une double discrimination. Ils étaient perçus à la fois comme des survivants de la bombe, ou « hibakusha », et comme des étrangers. Leur reconnaissance officielle n’est intervenue qu’à la fin des années 1990, avec l’érection d’un monument funéraire dans le Parc du Mémorial de la paix de Hiroshima.
Soutien insuffisant et l’avenir des descendants
Aujourd’hui, on estime qu’environ 1 600 survivants sud-coréens sont encore en vie, dont 82 résident dans le centre de Hapcheon. La Corée du Sud a promulgué une loi spéciale en 2016, offrant une allocation mensuelle d’environ 62 euros aux survivants. Cependant, cette loi ne prévoit aucune assistance pour leurs descendants.
Pourtant, beaucoup de ces descendants ont été directement affectés par les bombardements, souffrant de maladies congénitales. Jeong Soo-won insiste sur la nécessité d’une disposition future pour les soutenir. Alors qu’un groupe de survivants japonais a reçu le prix Nobel de la paix l’année dernière, de nombreux Coréens estiment que le monde n’a pas encore pleinement tiré les leçons de ces horreurs, 80 ans après.
