La relation entre les livreurs et les plateformes de livraison, comme Uber Eats, est souvent complexe. Malgré les défis quotidiens, une forme de lien paradoxal unit les coursiers à ces géants technologiques. Pour plusieurs, la flexibilité offerte l’emporte sur les irritants, créant un véritable amour-haine.
⚡ Pas assez de temps ? Un résumé vite fait !
- ➡️ Les livreurs d’Uber Eats entretiennent une relation d’amour-haine avec la plateforme.
- ➡️ La flexibilité du travail est le principal attrait, malgré les frustrations.
- ➡️ L’opacité de la rémunération et le soutien client sont des points de discorde majeurs.
- ➡️ Des systèmes de « quêtes » incitent à accepter des courses moins rentables.
La double facette d’un emploi flexible
Pour des milliers de Canadiens, la livraison est devenue un moyen de générer des revenus supplémentaires. Issa Issa, un livreur de 23 ans à Québec, incarne cette réalité. Étudiant en relations industrielles à l’Université Laval et courtier en assurances, il utilise Uber Eats depuis 2022. Son but : compléter ses revenus et explorer l’évolution de ce marché.
Issa exprime un souhait surprenant : garder son compte actif toute sa vie. Cela ne signifie pas livrer constamment, mais conserver la possibilité de le faire. Cette perspective révèle l’attrait profond de la flexibilité offerte par ces plateformes. C’est une liberté qu’il estime difficile de trouver ailleurs sur le marché du travail.
Les revers de l’algorithme et du soutien
Malgré l’attrait de la flexibilité, le métier de livreur peut s’avérer très frustrant. Issa Issa ne mâche pas ses mots lorsqu’il évoque les pratiques de la multinationale. Il déplore un manque de soutien réel aux livreurs, pourtant essentiels au modèle d’affaires. L’impression est que l’entreprise s’enrichit sans se soucier du bien-être de ses coursiers.
« Uber fait son argent et les livreurs : « allez sur le terrain pis amusez-vous bien. Si vous faites de l’argent, tant mieux, sinon ce n’est pas notre problème » », confie Issa. Il ajoute que le service de soutien est « très scripté » et peu aidant.
L’opacité de la rémunération est une autre source de tension. Le montant des courses varie grandement, souvent sans logique apparente. Nombre de livraisons s’avèrent non rentables. Par exemple, une offre de 6 $ pour parcourir 20 kilomètres vers Lévis, avec une commande de crème glacée, est loin d’être attrayante. Issa a déjà effectué près de 3000 livraisons, mais ce genre d’offre reste courant.
Le jeu des incitations et des « quêtes »
Pour inciter les livreurs à accepter des courses peu intéressantes, Uber Eats propose des « quêtes ». Ces défis consistent à réaliser un certain nombre de livraisons en une semaine pour obtenir un bonus monétaire. Ce mécanisme est perçu comme un « bon jeu mental » par Issa, car il motive à travailler pour les commandes plutôt qu’à la paie horaire.
Issa a déjà dû compléter 65 courses en une semaine pour un bonus de 180 $. Un tel volume frôle le temps plein et représente des courses qu’il n’accepterait jamais en temps normal. Cependant, l’appât du gain supplémentaire le pousse à se prêter au jeu.
Ce système permet à la plateforme de maintenir un nombre suffisant de livreurs actifs, même pour les livraisons les moins lucratives. Le défi pour les coursiers est de trouver l’équilibre entre ces incitations et la rentabilité réelle de leur temps.
Une vision à long terme inattendue
Malgré toutes les frustrations, Issa envisage une relation durable avec la plateforme. Il rêve de voir « livreur depuis 2022 » inscrit sur son profil en 2032. Ce souhait illustre un attachement surprenant à un travail ponctuel.
La facilité d’accès demeure l’argument massue. « À n’importe quel moment je peux appuyer sur un bouton et me remettre en ligne et ramasser des livraisons », explique-t-il. Cette liberté de connexion-déconnexion est un filet de sécurité pour beaucoup, malgré les aléas du métier. La plus grosse commande d’Issa fut de 70 items d’épicerie pour 70 $, réalisée en une heure. La plus bizarre? Du Gaviscon, des condoms et du lubrifiant pour 10 $ sur 3 kilomètres.
