Les rappels de produits alimentaires au Canada ont explosé ces dix dernières années, suscitant inquiétude et interrogations. Loin d’être un signe de déclin, cette hausse spectaculaire révèle une amélioration notable de notre système de sécurité alimentaire. Explorons les raisons derrière cette tendance inattendue.
⚡ Pas assez de temps ? Un résumé vite fait !
- 🔬 L’augmentation des rappels est principalement due à des méthodes de détection plus sophistiquées.
- 📜 L’entrée en vigueur des Règlements sur la salubrité des aliments au Canada en 2019 a marqué un tournant.
- 📈 Malgré la hausse des rappels, cela indique un système de sécurité alimentaire plus mature et non moins sûr.
- 🤖 L’intégration de l’intelligence artificielle pourrait rendre les rappels plus efficaces et ciblés à l’avenir.
Une détection plus fine et des outils avancés
L’une des raisons principales de cette hausse est l’amélioration significative des méthodes de détection. Keith Warriner, professeur au Département de science alimentaire de l’Université de Guelph, souligne que les moyens de détection des épidémies sont bien meilleurs qu’il y a dix ans, voire cinq ans. Des systèmes de surveillance sophistiqués et des techniques avancées, comme le séquençage du génome entier, facilitent l’identification des risques.
Les entreprises elles-mêmes effectuent également davantage de tests. Cela augmente la probabilité de trouver un élément justifiant un rappel. Par exemple, les producteurs de micro-pousses ont eu plusieurs rappels de Listeria, même sans épidémie réelle. Ils agissent par précaution grâce à une politique de tests intensifs. En 2011, moins de 10 % des articles contaminés pouvaient être attribués à la source. Aujourd’hui, ce chiffre est passé à environ 25 %.
« Même dans un système de sécurité alimentaire moderne et efficace comme celui du Canada, les risques ne peuvent être complètement éliminés. Quand des aliments dangereux entrent sur le marché, l’ACIA travaille avec l’entreprise pour s’assurer que le public est informé et que le rappel est efficace pour retirer les produits du marché. »
– Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA)
L’impact des nouvelles réglementations
L’entrée en vigueur des Règlements sur la salubrité des aliments au Canada en janvier 2019 a marqué un tournant majeur. Sylvain Charlebois, directeur principal du Laboratoire d’analyse agroalimentaire (AAL) de l’Université Dalhousie, voit cette réforme comme un élément clé. Elle a permis à toute l’industrie, à tous les niveaux (municipal, provincial ou fédéral), de gérer des systèmes de sécurité alimentaire plus rigoureux.
Charlebois attribue à ces réglementations une augmentation de 476 % des rappels (de classes I, II et III) entre 2018 et 2019. L’AAL a identifié un bond spectaculaire, passant de 45 rappels en 2018 à 259 en 2019. Bien que le nombre se soit stabilisé au-delà de 100 depuis, avec deux années dépassant 250, cette hausse est un signe positif de maturité du système.
« Les gens ont tendance à devenir assez nerveux dès qu’ils voient une métrique qui pourrait suggérer que les choses ne vont peut-être pas dans la bonne direction, mais elles le sont en termes de rappels de produits alimentaires. »
– Sylvain Charlebois, Université Dalhousie
Détection accrue ou lacunes de contrôle ?
La question de savoir si les aliments sont plus sûrs aujourd’hui est matière à débat. En 2011, on ne comptait que quatre rappels, contre 131 jusqu’à présent cette année. Pour certains, une augmentation des rappels signifie une meilleure détection, donc un système de gestion de la sécurité alimentaire réussi. Le filet est plus serré.
D’autres, comme Keith Warriner, se demandent pourquoi, avec toutes ces connaissances, les rappels ne diminuent pas. Le dépistage, selon lui, ne fait qu’informer d’un problème. Les interventions réelles, visant à décontaminer les produits, accusent un retard. La célèbre citation de Frank Yiannas, ancien commissaire adjoint de la politique alimentaire et de la réponse à la FDA américaine, résume bien la situation : « Quand la détection dépasse le contrôle, vous êtes en difficulté. »
L’avenir des rappels et l’apport de l’IA
Il reste des pistes d’amélioration, notamment dans la manière dont l’ACIA communique les rappels au public. Sylvain Charlebois suggère que l’intelligence artificielle (IA) pourrait rendre ce processus plus précis et proactif. L’IA permettrait d’identifier et de surveiller les risques de manière plus ciblée. La mise en œuvre de l’IA pourrait même entraîner davantage de rappels, mais sur de plus petits volumes, réduisant ainsi le gaspillage alimentaire.
Il est rassurant de constater le nombre actuel de rappels. Toutefois, il faut aussi considérer les coûts engendrés pour l’industrie. Ces coûts sont finalement répercutés sur les consommateurs. Rendre ces rappels plus efficaces est donc un enjeu économique important pour tous.
